MEXICO - "Ils ont emmené une grand mère dans les buissons, et 18 hommes l'ont violée" : Betty Makoni, une activiste des droits des femmes, a raconté jeudi les atrocités commises au Zimbabwe contre des femmes dont la famille était proche de l'opposition.
Dans le cadre de la Conférence de Mexico sur le sida, qui s'achève vendredi, Betty Makoni, qui a reçu la médaille 2008 d'Amnesty International pour les droits des femmes et des enfants, a témoigné devant la presse de ce qui s'est passé dans son pays, lors de la dernière période électorale dont Robert Mugabe est sorti une nouvelle fois président. Des faits qui, selon elle, se poursuivent encore.
"Le viol n'est pas un blessure au visage, c'est une blessure cachée profondément au fond de notre corps (...), une souffrance et un traumatisme au-delà de toute compréhension", a confié Betty Makoni, elle-même violée quand elle avait six ans.
Et elle raconte la période récente, juste après le premier tour de l'élection présidentielle.
"Si vous ne disiez pas aux jeunes miliciens où se trouvaient les membres supposés de l'opposition, ils vous mettaient des insecticides dans le vagin" ou "des bâtons", pour que vous leur promettiez de ne jamais soutenir l'opposition".
Ces jeunes, a-t-elle ajouté, sont tous en liberté".
"Le viol dans une situation de conflit est une arme de guerre", a-t-elle souligné. "Tout ce qu'ils auraient voulu faire aux maris, ils le faisaient aux femmes".
"Des jeunes filles étaient emmenées dans des camps, où on estime que 800 ont été violées", une enfant de 13 ans a été donnée à un jeune "en échange d'une chèvre", une Mamie de 60 ans a été emmenée dans le bush, et est revenue "avec la semence dégoulinante de 18 hommes".
Après les viols, ils disaient : "vous allez donner naissance à des bébés du parti Zanu-PF", le parti de Mugabe.
Le dernier témoignage date du 24 juillet, "ce qui signifie que ça continue en dépit des négociations entre les principaux partis politiques", a-t-elle dit. Et aujourd'hui, "il doit y en avoir plus de 700".
Dans les hôpitaux, les médecins refusaient d'apporter leur témoignage. "Ils disaient : +je ne veux pas avoir de problème+. Ils sont complices".
A ce jour, les femmes n'ont pas été testées pour le VIH. Le taux de prévalence du virus est estimé à 15,3% au Zimbabwe, un taux extrêmement élevé. Selon l'Onu le risque d'infection par le virus est trois fois plus élevé en cas de violence sexuelle.
Quant à la police, elle refusait de recevoir les plaintes : Ils disaient +allez à Londres, allez vous plaindre à la police britannique+".
"Nous voulons juste que justice soit faite", a-t-elle ajouté.
A ce jour, 53 femmes victimes de viol l'ont fait savoir, mais selon Betty Makoni "il y en a beaucoup d'autres".
L'ONG Aids-Free world ("un monde sans le sida") a annoncé l'ouverture d'une enquête sur ces "crimes contre l'humanité".
Noah Novogrodsky, directeur de la faculté de droit de l'Université de Toronto et membre de l'ONG, a précisé qu'une équipe allait recueillir les témoignages sur place et que les preuves seraient transmises au Haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme et au Conseil de sécurité -"qui a le pouvoir de dénoncer ces crimes à la Cour criminelle internationale".
"Mugabe a lâché ses chiens de guerre, et ce sont les femmes du Zimbabwe qui en payent le prix", a-t-il ajouté.
"Le Zimbabwe fait face à un risque de désintégration", a commenté Stephen Lewis, co-directeur de l'ONG et ancien envoyé spécial des Nations-Unies pour le sida en Afrique.
Source: AFP, le 07 août 2008