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Eric, 40 ans, marié, trois enfants

Je suis marié et j’ai trois enfants. Je suis malade du sida depuis une dizaine d’années. J’ai été l’un des premiers patients sous trithérapie mais aujourd’hui j’ai arrêté les traitements à cause des effets secondaires.

J’ai connu les tout débuts du sida. Je me souviens des grands sacs rouges que l’on plaçait à la porte des chambres des personnes contaminées. On vivait dans un climat de discrimination très forte, due en partie à la peur que suscitait la maladie.

Il y a vraiment eu de grands changements et des progrès importants sur le plan médical, notamment grâce au travail des associations. Il n’empêche que l’on sent partout la discrimination, encore aujourd’hui, sur le plan administratif, sur le plan des soins et dans la vie quotidienne.

Je ne sais pas moi-même comment j’ai été contaminé mais j’ai consommé de la drogue dans le passé. J’ai arrêté il y a quinze ans mais encore récemment, juste avant une intervention chirurgicale, j’ai entendu l’un des médecins demander à l’autre "Quelle pathologie ?" ; l’autre médecin a répondu, d’un ton que je n’oublierai jamais, "HIV – toxico". Je traîne cette étiquette depuis longtemps, alors qu’elle est fausse en plus d’être stigmatisante.

Je ne suis pas soigné de la même façon que les malades ‘normaux’. Pour les méde- cins, je ne suis qu’un toxico qui a le sida"."J’ai subi récemment une intervention en urologie. Le médecin m’a annoncé qu’on allait m’opérer en dernier lieu, à la fin de la journée. Quand je lui ai demandé pourquoi, il a eu beau- coup de mal à m’expliquer. Il m’a dit qu’un règlement interne à l’hôpital précisait qu’on opé- rait en dernier lieu ce qui était le plus sale et le plus risqué. Pourtant, les modes de désinfection devraient être les mêmes pour tout le monde, et le virus du sida est bien moins résistant que d’autres.

En plus, mon système immunitaire est à zéro, et je risque beaucoup plus de choper une infection que d’autres patients séronégatifs"."Quand je suis arrivé en Belgique, je venais d’être licencié de mon travail en France. J’avais donc normalement droit au chômage. Je suis passé de services sociaux en services sociaux pour obtenir le droit de rester en Belgique, j’ai même reçu un ordre de quitter le territoire, je n’avais aucun droit, je n’avais pas d’argent.

Ca a été le parcours du combattant, j’ai fait des procès où j’assurais - moi-même ma défense. J’ai dû me battre et me battre encore pour obtenir un droit à la dignité, alors que j’avais surtout besoin de mes forces pour me battre contre le sida. Ca a été la croix et la bannière pour faire reconnaître mon handi- cap alors que j’étais en phase terminale. J’ai la chance d’être combatif, d’avoir une femme qui m’a merveilleusement soutenu dans mes démarches, et d’avoir rencontré des associations. Mais je pense à des gens qui sont seuls, qui sont candidats réfugiés ; c’est pourquoi je me suis investi dans l’aide à des personnes qui se retrouvent dans des situations encore bien pires que la mienne."

Auteur: Eric • le 25 novembre 2002